
Essais et analyses, Recyclage, Matières Plastiques Recyclées, ACV, Emballage, Matériaux, Réglementation, Écoconception
Publié le : 06/11/2025 par Alice Biollay
Trois ans après l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2022/1616, le cadre réglementaire encadrant la production de plastique recyclé apte au contact alimentaire demeure clair pour le PET, mais encore flou pour les autres polymères.
Le règlement (UE) 2022/1616 encadre la production de plastique recyclé destiné à entrer en contact avec les denrées alimentaires, en définissant les conditions permettant de garantir la sécurité des consommateurs pour la mise sur le marché européen. Les exigences applicables au recyclage mécanique du PET post-consommation et au recyclage en boucle fermée et contrôlée sont désormais bien établies, notamment grâce aux lignes directrices publiées par l’EFSA.
En revanche, pour les autres technologies de recyclage, dites « nouvelles technologies », aucun guide spécifique n’a encore été publié, et aucun procédé de ce type n’a, à ce jour, obtenu d’autorisation de l’EFSA ni d’enregistrement au registre de la Commission européenne.
Voilà déjà trois ans que le règlement (UE) 2022/1616 sur le plastique recyclé est entré en vigueur. Depuis, plus de 300 procédés de décontamination ont été notifiés pour demande d’évaluation par l’EFSA.
Parmi ces demandes, environ 38 concernent des “nouvelles technologies”, telles que le recyclage du PS et du PP en contact direct avec les denrées alimentaires ou utilisés derrière une barrière fonctionnelle, des bouteilles de lait en PEHD, ou encore le recyclage chimique du PET.
Ces procédés devraient figurer dans un registre de l’Union européenne (“Union register”), dont la publication était initialement prévue pour mi-2025. Toutefois, ce registre n’a toujours pas été rendu public, et aucune nouvelle date n’a été annoncée. Ce retard s’explique notamment par les difficultés rencontrées par la Commission européenne dans le traitement des dossiers, liées à un manque de ressources humaines et techniques.
En conséquence, l’EFSA n’a pas encore entamé l’évaluation des nouvelles technologies, la priorité étant donnée à d’autres dossiers.
Actuellement, la CE soulignent la faible qualité des données transmises par les opérateurs :
Malgré ces constats, aucun rapport spécifique n’a été publié pour aider les concepteurs d’un procédé de recyclage à mieux préparer leur dossier d’autorisation.
De plus, aucune ligne directrice (guideline) n’est encore prévue pour les polyoléfines (PO) et le PS, les polymères les plus employés après le PET, dans le secteur de l’emballage alimentaire. Dès lors, une question se pose : quelles preuves scientifiques sont nécessaires pour démontrer l’efficacité de la décontamination ?
Le règlement (UE) 2022/1616 stipule que, au moins six mois avant la mise en œuvre d’une nouvelle technologie de recyclage, le concepteur doit notifier son procédé à la Commission européenne ainsi qu’à l’autorité compétente du pays concerné (en France, la DGCCRF).
Cette notification doit inclure des informations détaillées, notamment «une évaluation de l’efficacité de la décontamination et du transfert potentiel des contaminants des plastiques recyclés vers les denrées alimentaires ».
Concernant le PET, les lignes directrices publiées par l’EFSA en juin 2024, précisent clairement la méthodologie à suivre, notamment la réalisation d’un test de provocation, ou “challenge test”, impliquant des contaminants modèles connus, des concentrations maîtrisées, des méthodes analytiques validées, et un niveau de contamination de référence défini.
Cependant, aucun cadre équivalent n’existe pour les autres polymères utilisés dans les emballages alimentaires — tels que le PEHD, le PEBD, le PP ou le PS.
Leur comportement physico-chimique, différent de celui du PET, rend complexe la transposition directe du challenge test.
Dans le cas des PO, leur stabilité thermique réduite favorise la formation de produits de dégradation lors du recyclage, et leur forte affinité pour les composés apolaires accroît la migration chimique, notamment vers les aliments gras. Aussi, leurs faibles propriétés de barrière fonctionnelle (forte absorption et diffusion) compliquent l’évaluation de la décontamination.
Ces particularités expliquent pourquoi il est difficile d’établir des lignes directrices pour les polyoléfines et le polystyrène similaires à celles existant pour le PET.
En l’absence de lignes directrices publiées par l’EFSA, et sans perspective de publication à court terme, les développeurs de nouvelles technologies de recyclage doivent se référer à d’autres sources et initiatives pour démontrer l’efficacité de la décontamination de leurs procédés.
Le polystyrène présente certaines similitudes chimiques et physiques avec le PET, ce qui rend envisageable l’application du challenge test pour évaluer l’efficacité de la décontamination.
Des travaux scientifiques récents confirment cette approche, notamment l’étude de l’institut allemand Fraunhofer intitulée “Cleaning efficiency of multiple PS decontamination processes determined with challenge tests”, qui explore la validité de cette méthode pour le PS.
Pour les polyoléfines (notamment le PEHD), des initiatives de recherche appliquée ont vu le jour, telles que le projet WRAP au Royaume Uni, qui a permis de développer de nouveaux challenge tests spécifiquement adaptés au PEHD.
Ces tests visent à améliorer l’efficacité des protocoles, réduire les ambiguïtés analytiques, diminuer la toxicité potentielle, et réduire les coûts des évaluations.
À défaut du challenge test, la preuve d’efficacité de la décontamination pourrait reposer sur un screening de la matière pré- et post-recyclage.
Des ateliers et rencontres scientifiques se multiplient sur ce sujet, à l’image du workshop organisé par ILSI Europe le 21 octobre 2025 à Bruxelles, réunissant scientifiques, experts toxicologues, membres de la Commission européenne et acteurs industriels.
IPC a eu l’opportunité d’y participer afin de suivre les tendances et les avancées relatives au recyclage des polymères autres que le PET.
Catégories
Recherche
Dans la même catégorie
Vous souhaitez l'aide d'un expert ?